On pense aujourd'hui que SARS-Cov-2 est issu d'une recombinaison entre deux virus différents, l'un proche de RaTG13 et l'autre issus d'un animal ayant un Coronavirus capable de rentrer dans les cellules humaines. En d'autres termes, il s'agit d'une chimère entre deux virus préexistants.
Ce mécanisme de recombinaison avait déjà été décrit chez les coronavirus, notamment pour expliquer l'origine du SARS-Cov.
Pour qu'une recombinaison se produise, il faut que les deux virus divergents aient infecté le même organisme de façon concomitante.
Deux questions restent en suspens :
- Dans quel organisme a eu lieu cette recombinaison ? (une chauve-souris ou une autre espèce ?)
- Dans quelles conditions a eu lieu cette recombinaison ?
Quels sont les animaux qui ont un récepteur cellulaire (ACE2) susceptible d’interagir avec le Sars-CoV-2 ?
La première étape du cycle viral est la reconnaissance d'un récepteur cellulaire par une protéine de surface du virion, et cette interaction est un déterminant majeur - pas le seul - du tropisme tissulaire d'un virus mais aussi de son spectre d'hôte. Une publication en preprint émanant de l'Institute of Structural and Molecular Biology, Londres, explore une approche in silico dans le but de d'évaluer la stabilité de la liaison entre la protéine S du virus Sars-CoV-2 et son récepteur majeur, ACE2, cela chez pas moins de 215 espèces de vertébrés. La structure tridimensionnelle du domaine RBD (receptor binding domain) de S est connue ainsi que celle de ACE2 dans l'espèce humaine. A partir de la séquence du gène orthologue, - très conservé (≥ 60% d'identité) - il est possible de modéliser celle de ACE2 dans une autre espèce. Après avoir identifié les résidus de ACE2 virtuellement impliqués dans cette interaction, les auteurs ont calculé le changement en énergie de liaison du complexe dans chaque espèce relativement à l'homme selon 3 protocoles. Ils ont ensuite analysé la corrélation existant entre ces valeurs et les données de sensibilité au virus disponibles in vitro et/ou in vivo. Il en ressort une assez bonne corrélation, avec toutefois quelques exceptions notables en termes soit de sensibilité, soit de résistance (que l'on peut voir dans la table 6 en annexe de l'article). Ainsi le porc, prédit sensible, se montre résistant à l'infection expérimentale, alors que le ousititi et la chauve-souris (Rhinolophus ferrumequinum), prédits résistants, y sont vulnérables. Nonobstant ces anomalies, cette étude a le mérite de montrer que nombre d'espèces de mammifères sont théoriquement sensibles au virus du COVID-19, et peut guider les investigations qui devront être menées afin d'identifier d'éventuelles espèces réservoirs.
Dans cette étude est analysée, sur une base structurale, l'affinité de la protéine S du Sars-CoV-2 et les 20 acides aminés (AA) du récepteur ACE2 critiques pour cette interaction, ce pour 93 espèces animales dont 85 mammifères. Les espèces qui maintiennent la majorité des résidus AA clés sont les Primates (score 20/20), les Bovidae et les Cricetidae (score 18/20). Chez les oiseaux et les reptiles, la moitié des résidus AA sont différents.
En conclusion, l’avenir dira, notamment avec la poursuite des essais de transmission expérimentale aux animaux domestiques et d’élevage, laquelle des deux approches - Lam et al. ou Luan et al.- était la plus prédictive. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que l’interaction avec le récepteur cellulaire, même si elle est déterminante, n’est qu’une première étape, et que d’autres facteurs peuvent intervenir en amont (niveau d’expression dans le tissu pulmonaire) ou en aval (étapes ultérieures du cycle viral). A cet égard, il est à noter que le chat et le porc ont des scores proche ou identique dans les deux études précitées, alors que seul le premier se montre sensible à l’infection par le sars-2.