Sous le haut-patronage des Ministres en charge de la Santé, de l’Agriculture et de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Colloque hepta-académique « Une seule santé : les microbes et l’antibiorésistance en partage » Mercredi 15 juin 2022 de 8h30 à 17h15 dans les locaux de l’Académie d’agriculture de France, 18 rue de Bellechasse, 75007 Paris
PROGRAMME
Télécharger le programme
Télécharger la synthèse de la séance
Télécharger la conclusion de André Jestin, Président de l'AVF
enregistrements de la chaîne You Tube :de l'Académe d'Agriculture de France
Matinée : https://www.youtube.com/watch?v=u-0VSLyLVGM&t=5423s
Après-midi : https://www.youtube.com/watch?v=IWQDR4nq970&t=1512s
Si vous désirez vous abonner à notre chaîne YouTube de lm'Académie d'Agriculture de France:
https://www.youtube.com/channel/UCxERz8wtBBH9VXfgJOfVODA
Les présentations ainsi que des photos prises lors de la journée sur le site de l'Académie d'Agriculture de France :
https://www.academie-agriculture.fr/actualites/academie/colloque/academie/colloque-thematique-hepta-academique-une-seule-sante-les
MATINEE
Accueil à partir de 8 h 30 dans la salle des séances
9h00-9h05 : Discours de bienvenue de Pascale COSSART, Académie des Sciences au nom du
Comité d’organisation
9h05-9h15 : Ouverture par Jean-Louis BEAUDEUX, Président de l’Académie nationale de
Pharmacie
9h15-9h25 : « UN MONDE, UNE SEULE SANTE’ : HISTORIQUE ET DEVELOPPEMENTS »
Introduction par Charles PILET, membre de l’Institut, membre des Académies de Médecine, des
Sciences, des Technologies, Vétérinaire de France
Les crises sanitaires récurrentes que nous venons de connaître lors de ces der-
nières décennies (Sida, ESB, SRAS, MERS, influenza aviaire hautement pathogène,
Covid-19...) ont toutes des racines animales. Virus, bactéries et parasites respec-
tent très peu les barrières d’espèce. Pour beaucoup de ces agents pathogènes
il n’y a pas de frontière entre l’animal et l’Homme. C’est pourquoi, au fil des an-
nées l’idée s’est imposée d’un nécessaire rapprochement entre la santé de
l’Homme et la santé animale.
Dès 1984, un épidémiologiste américain, Calvin Schwab évoquait l’idée d’une « One medi-
cine ». Ce n’est que vingt ans plus tard qu’est apparue, toujours aux USA, la formule « One
World, One Health ». En fait « Un Monde, Une Seule Santé » désigne un concept très vaste qui
va au-delà du rapprochement de l’Homme et de l’animal et inclut l’environnement et ses
nombreuses conséquences sur une santé globale. La première leçon de ce concept devrait
nous permettre d’être à l’avenir mieux armés pour lutter contre l’apparition et le développe-
ment d’épidémies et de pandémies. Pour ce faire, un décloisonnement administratif s’impose.
Il est basé sur plusieurs constats :
a) l’origine animale des crises sanitaires ;
b) l’absence de réponse des administrations aux alertes des scientifiques ;
c) les errements du passé ;
d) les recommandations des grands organismes internationaux (OMS, FAO, OIE, BANQUE
MONDIALE).Programme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 2 sur 9
Malheureusement, à quelques exceptions près, la situation en France évolue peu. Devant la
surdité des administrations face aux avis des scientifiques, notamment en matière de formation
et de recherche, il est apparu que seule l’expression d’une volonté politique à un niveau élevé
avait quelques chances de faire évoluer cette situation.
C’est ainsi qu’il a été fait appel au Président de la République et au Premier Ministre. Des con-
tacts ont été pris à plusieurs niveaux, pour tenter d’obtenir un changement. Ils se poursuivront
après la période électorale.
Ce trop bref survol constitue la réponse à la demande qui m’a été formulée d’introduire en
quelques minutes ce vaste concept « Un Monde, Une Santé ».
L’un des aspects importants de ce concept va être traité aujourd’hui : la résistance bacté-
rienne aux antibiotiques.
1ERE SESSION ‘DES RESISTANCES’ Modérateurs : François BRICAIRE (ANM), Pascale COSSART (AS)
Les conférences sont de 20 minutes suivies de questions/réponses de 5 minutes, l’échange de vues général ayant lieu en fin de session
« L’ANTIBIORESISTANCE : UN BON EXEMPLE DU CONCEPT UNE SEULE SANTE » Vincent JARLIER, Professeur émérite de Bactériologie-Hygiène, Faculté de Médecine Sorbonne Université, membre correspondant de l’Académie nationale de médecine
Le concept « One Health » s’est nourri du constat que les maladies infectieuses à
risque épidémique étaient liées à des relations entre les populations humaines et
animales et l’environnement. De telles relations, déjà connues pour des infections
bactériennes (salmonelloses, tuberculose, morve...) sont devenues aussi
évidentes pour des infections virales émergentes (grippe aviaire, infections à
coronavirus...). Le concept « Une seule santé » débouche sur une approche intégrée,
systémique, donc pluridisciplinaire, des enjeux sanitaires. La résistance bactérienne aux
antibiotiques, phénomène identifié dès le début de l’utilisation des antibiotiques en médecine
humaine et animale, n’est certes pas une maladie, mais elle a des conséquences délétères
directes sur les maladies infectieuses bactériennes en en compliquant le traitement. Lorsque le
nombre d’antibiotiques encore actifs est très réduit (multirésistance, c.à.d. résistance associée
à plusieurs antibiotiques) le risque est l’impasse thérapeutique, risque d’autant plus réel que le
nombre de nouveaux antibiotiques n’a cessé de diminuer depuis les années 1980.
Le rôle joué dans le développement des résistances aux antibiotiques par les relations entre les
populations humaines et animales et l’environnement est devenu de plus en plus évident. Ces
relations concernent les deux facteurs principaux qui modulent l’amplitude de la résistance
aux antibiotiques : l’utilisation des antibiotiques qui entraîne la sélection des bactéries
résistantes (évolution darwinienne), en particulier dans les flores commensales (microbiotes)
humaines et animales, puis la dissémination des bactéries résistantes ainsi sélectionnées.
En matière de pression de sélection par les antibiotiques, leur utilisation en santé humaine et
animale est bien sûr clef, mais l’environnement peut aussi jouer un rôle par les résidus
d’antibiotiques provenant des émonctoires des humains et animaux traités et les déchets de
l’industrie des antibiotiques.
La dissémination des bactéries résistantes se fait directement d’individu à individu (de
microbiote à microbiote) au sein des populations humaines et animales (« transmission croisée
») mais aussi indirectement par l’environnement, la dissémination se fait entre autres par les
émonctoires humains et animaux qui sont évacués vers les eaux usées et par les résidus du
traitement de ces eaux (aval des stations d’épuration) qui sont rejetés dans la nature. La
dissémination des bactéries résistantes (et de leurs gènes de résistance) dans l’environnement
permet leur retour vers les microbiotes intestinaux humains et animaux via l’alimentation. On
peut mettre en évidence les chaînons de dissémination des bactéries résistantes par la
recherche systématique de bactéries résistantes dans le microbiote intestinal des humains et
des animaux et dans l’environnement. D’innombrables publications ont montré la présence
de bactéries résistantes aux antibiotiques d’origine humaine et animale, ou de leurs gènes de
résistance, dans de nombreux secteurs de l’environnement : eaux usées en aval des hôpitaux,
des agglomérations humaines et des élevages ; stations d’épuration, voire eau de « réseau
potable » dans certains pays ; rivières, lacs et océans ; animaux sauvages (mammifères,
oiseaux, poissons ...) vivant dans les, ou proches des, milieux anthropisés.Programme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 3 sur 9
La dissémination des bactéries résistantes à travers l’homme, l’animal et l’environnement
abouti à de véritables « épidémies souterraines » qui ne se révèlent que lorsque ces bactéries
provoquent des infections chez l’homme ou l’animal.
La menace d’une ère post-antibiotique doit être intégrée à la liste d’autres grandes menaces
écologiques qui s’inscrivent dans le registre « Une seule santé » que sont le réchauffement de
la planète, la pollution des eaux et la réduction de la biodiversité. La sauvegarde de l’activité
des antibiotiques est donc bien un sujet de développement durable.
« DISTRIBUTION DES BACTERIES PATHOGENES DE L’HOMME OU COMMENSALES DANS L’ENVIRONNEMENT (SOL, EAU) ET LES AGRO-ECOSYSTEMES, EMERGENCE DE RESISTANCES AUX ANTIBIOTIQUES » Alain HARTMANN, Directeur de Recherches, INRA, UMR Agroécologie, Microbiologie environnementale et risque sanitaire, Dijon
Des bactéries commensales ou pathogènes de l’Homme, parfois résistantes aux
antibiotiques ainsi que des micropolluants, comme les résidus de produits
pharmaceutiques, sont quotidiennement rejetés dans l’environnement par
l’intermédiaire des systèmes de traitement des eaux usées urbaines ou industrielles
et par certaines pratiques agricoles en particulier l’amendement des sols avec
des produits résiduaires organiques (PRO). Les sols et les milieux aquatiques qui
abritent des communautés de microorganismes extrêmement diversifiées et très abondantes
(jusqu’à 1010 bactéries par gramme de sol) peuvent constituer un réservoir pour ces bactéries
et ces gènes de résistance (et de virulence) et induire un risque de contamination des
productions agricoles et donc un risque sanitaire pour l’Homme et les animaux. La production
d’antibiotiques par des bactéries ainsi que les mécanismes de résistance à ces antibiotiques
sont des mécanismes naturels qui existent dans les sols, ils sont impliqués dans la compétition
entre microorganismes. Les sols sont donc un réservoir potentiel de bactéries résistantes aux
antibiotiques (BRA) et de gènes de résistance aux antibiotiques (GRA). Ce pool de gènes de
résistance des sols est appelé le résistome des sols. Il constitue un réservoir de GRA
potentiellement transmissibles aux agents pathogènes de l’Homme et des animaux. Plusieurs
pratiques agricoles peuvent conduire à l’introduction de BRA et de GRA dans les sols : i)
l’amendement des sols avec des produits résiduaires organiques (PRO), qu’ils soient d’origine
urbaine (boues issues du traitement des eaux usées, compost d’ordures ménagères ...) ou
agricole (fumiers, lisiers, digestats ...) ii) l’irrigation des cultures ou des parcs avec des effluents
de station d’épuration des eaux usées (REUSE). Ces PRO ou ces effluents liquides contiennent
de plus des résidus d’antibiotiques (et d’autres produits pharmaceutiques) non dégradés lors
des traitements de ces déchets. Ces polluants peuvent induire l’émergence ou la sélection de
nouveaux gènes ou mécanismes de résistance dans les sols. L’enrichissement des sols agricoles
ou des sols urbains (utilisés pour des activités récréatives) en bactéries résistantes aux
antibiotiques et en GRA peut induire des risques pour la santé : i) risque de contamination des
productions végétales ou des animaux, ii) risque de contamination des ressources en eau (par
ruissellement ou par lessivage des sols contaminés). Le risque de transfert de GRA émergents
vers des pathogènes humains par transfert horizontal de gènes (HGT) sera maximum dans des
zones où coexistent les gènes de résistance, les pathogènes et les résidus médicamenteux qui
constituent la pression de sélection. Pour limiter ces risques ; il est nécessaire d’atténuer la
contamination des sols en appliquant des traitements supplémentaires aux PRO ou effluents
avant épandage sur les sols (compostage, ozonation, désinfection par les UV ou désinfection
thermique). L’exposé visera donc à définir les paramètres qui vont influencer la survie des BRA
et la persistance des GRA dans les sols, mais aussi à déterminer l’impact des BRA et des résidus
d’antibiotiques sur le résistome des sols, et finalement à définir des moyens d’atténuation de
ces risques.
« DEVELOPPEMENT DE RESISTANCES CHEZ LES ANIMAUX ET CHEZ L’HOMME ALORS QUE L’ANTIBIOTIQUE NE LEUR A PAS ETE ADMINISTRE » Jean-Yves MADEC, Directeur de recherches, Chef d’unité, Anses Lyon, Directeur scientifique de l’axe Antibiorésistance de l’Anses, membre de l’Académie vétérinaire de France
Les politiques publiques de lutte contre l’antibiorésistance dans le secteur animal
au cours des dix dernières années en France (plans Ecoantibio) ont porté leur
principal angle d’action sur la meilleure maîtrise de l’usage vétérinaire des
antibiotiques. Des résultats très importants ont été obtenus, dont une réduction
d’environ 50 % de l’exposition des animaux aux antibiotiques (tous antibiotiques
confondus), et d’environ 90 % si l’on ne considère que les antibiotiques ditsProgramme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 4 sur 9
« d’importance critique » (AIC) pour l’Homme (céphalosporines de 3ème et 4ème générations et
fluoroquinolones). Cet objectif de maîtrise de l’usage vétérinaire des antibiotiques s’est
appuyé sur des dispositions incitatives mais également réglementaires, contraignant les
vétérinaires à la réalisation d’un antibiogramme avant toute prescription d’un AIC et leur
interdisant strictement l’emploi d’une longue liste d’autres antibiotiques utilisés en médecine
humaine, tels que la vancomycine, le linézolide ou les carbapénèmes. Pour autant, plusieurs
situations de terrain montrent que la résistance à un antibiotique chez un animal ne résulte pas
nécessairement de son exposition au dit antibiotique. Des phénomènes de co-sélection
peuvent d’une part être observés, qui relèvent en fait de l’administration d’un autre
antibiotique. Mais lorsque les animaux n’ont pas reçu du tout d’antibiothérapie, ce sont
davantage des évènements de transmission de bactéries résistantes qui sont à mettre en
cause. A partir d’exemples choisis, l’exposé illustrera la détection d’antibiorésistance chez des
animaux non directement exposés aux antibiotiques, tant dans le secteur des animaux de
production que de celui des animaux de compagnie. Ces éléments montrent qu’en parallèle
d’une attention sur la prescription des antibiotiques, un volet également important est de
maîtriser les transmissions de bactéries résistantes. Des efforts sur la biosécurité en élevage ont
été inclus dans les plans Ecoantibio, mais à l’évidence des marges de progrès subsistent, y
compris au-delà des secteurs de production, et qui pourraient être renforcées dans un plan
Ecoantibio 3.
« CHEZ L’HOMME : CAS PARTICULIER DE LA MELIOÏDOSE DUE A BURKHOLDERIA PSEUDOMALLEI » Yves BUISSON, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, membre de l’Académie nationale de médecine, membre associé de l’Académie nationale de Pharmacie
La mélioïdose est une maladie infectieuse tropicale, endémique dans ses foyers
originels d’Asie du Sud-Est et du nord de l’Australie. L’agent causal, Burkholderia
pseudomallei, est une bactérie saprophyte qui vit dans les sols humides,
notamment dans les rizières. Elle s’adapte aux conditions environnementales
hostiles telles que les variations de température et de pH, la salinité, le manque
de nutriments, la présence de désinfectants ou d’antiseptiques. Elle est
intrinsèquement résistante à de multiples classes d’antibiotiques (pénicillines,
céphalosporines de 1ère et 2ème générations, aminoglycosides, macrolides, rifampicine et
polymyxines) et présente de fréquentes résistances acquises. Elle peut survivre dans différentes
niches naturelles, s’agréger dans un biofilm protecteur ou parasiter des organismes vivants
(amibes libres, plantes, champignons et animaux). L’infection humaine se fait par inhalation
ou par inoculation. Elle est opportuniste, liée à une exposition professionnelle ou accidentelle,
souvent sur terrain prédisposé (diabète, cancer, alcoolisme). B. pseudomallei est une bactérie
intracellulaire facultative qui possède d’exceptionnelles propriétés de virulence lui permettant
de déjouer les défenses immunitaires de l’hôte, d’induire une infection invasive, aiguë,
subaiguë ou chronique, ou de rester latente pendant des années. L’infection aiguë est
bactériémique dans plus de 50 % des cas, souvent compliquée de choc, mais peut aussi se
révéler par des abcès viscéraux, le plus souvent pulmonaires. Elle est mortelle dans 20 à 50 %
des cas. Sa résistance naturelle, sa redoutable virulence chez l’Homme et des difficultés du
traitement d’éradication par les antibiotiques, imposant un traitement prolongé de 3 à 6 mois,
ont fait classer B. pseudomallei parmi les agents potentiels du bioterrorisme.
Pour le BACTERIOLOGISTE, c’est une curiosité exotique, mais aussi une énigme : comment une
bactérie saprophyte, adaptée au milieu hydrotellurique bien avant son anthropisation, a-t-elle
pu développer des capacités de survie, une plasticité et des facteurs de virulence qui lui
permettent aussi bien de s’adapter aux stress environnementaux que de contourner les
défenses immunitaires de l’hôte infecté et de résister à l’action des principaux antibiotiques
utilisés en thérapeutique ?Programme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 5 sur 9
« TRACKING DES TRANSFERTS DES BACTERIES PORTEUSES DE RESISTANCES ENTRE ANIMAL, HOMME ET ENVIRONNEMENT » Marie-Cécile PLOY, Professeur de microbiologie, Chef du service de Bactériologie-Virologie- Hygiène, CHU Limoges, Directrice Unité INSERM 1092 RESINFIT, Université de Limoges, membre de l’Académie vétérinaire de France
Ces dernières années, la résistance aux antibiotiques s’est érigée comme l’un des
enjeux majeurs de Santé publique.
Lutter efficacement contre l’antibiorésistance nécessite une approche « One
Heath » globale et coordonnée. En effet les gènes permettant de résister aux
antibiotiques sont le plus souvent véhiculés par des éléments génétiques mobiles (plasmides,
transposons, séquences d’insertions, cassettes d’intégrons, ...) capables de se déplacer d’une
bactérie à une autre par transferts horizontaux. Si les résistances sont capables de disséminer
au sein des écosystèmes bactériens, les bactéries résistantes sont aussi elles-mêmes capables
de disséminer entre les trois réservoirs : humain, animal et environnement. Les transferts de
résistances entre l’homme et l’animal sont bien documentés. Ils peuvent se faire dans les deux
sens à la faveur de contacts rapprochés entre l’homme et l’animal et dans le sens animal-
homme via la chaine alimentaire. Par ailleurs, humains et animaux rejettent des bactéries dans
l’environnement, via leur fèces notamment, faisant de ce dernier un immense réservoir de
gènes de résistance. Quel que soit le réservoir considéré, la dissémination et la persistance des
résistances sont d’autant plus facilitées par l’activité anthropique. L’utilisation abusive des
antibiotiques en médecine humaine et animale ainsi que certaines pratiques agricoles et
industrielles (rejets d’antibiotiques, biocides, métaux lourds, ...) génèrent des pressions de
sélection capables de sélectionner ou co-sélectionner les résistances. L’un des principaux
enjeux pour suivre ces échanges est de favoriser le partage de données entre les acteurs du
« One Health ». Il est donc indispensable d’être en mesure de croiser des données de
surveillance humaines, animales et environnementales.
12h-12h15 Discussion générale
Pause déjeuner 12h15 à 14h00
APRES-MIDI
2EME SESSION ‘DES ENVIRONNEMENTS’ Modérateurs : Jean-Louis BERNARD (AAF), Michel POMPIGNOLI (ANCD)
Les conférences sont de 20 minutes suivies de questions/réponses de 5 minutes, l’échange de vues général ayant lieu en fin de session
« LES VIRUS DE CHAUVES-SOURIS ET LEUR TRANSMISSION A L’HOMME » Éric LEROY , Directeur de Recherche de classe exceptionnelle, UMR MIVEGEC (Université de Montpellier-IRD-CNRS), membre de l’académie nationale de médecine, membre de l’Académie vétérinaire de France
Mammifères nocturnes ailés, refuges rêvés et contrastés de nombreuses
légendes et superstitions, les chauves-souris jouent un rôle primordial dans le
fonctionnement de notre biosphère, notamment en participant à la régulation
des populations d’insectes, à la pollinisation des plantes à fleurs ou encore à la
dissémination des graines. Cependant, la perception de ces animaux aux yeux
du monde a radicalement changé lorsque leur implication dans les épidémies
meurtrières survenues ces dernières années a été mise en évidence. Depuis, une centaine de
virus ont été détectés chez ces animaux, dont la plupart sont zoonotiques, un nombre bien
plus élevé que chez toutes les autres espèces animales. Par ailleurs, il est intéressant de releverProgramme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 6 sur 9
que 75 % de ces virus appartiennent aux quatre familles virales contenant les virus les plus
dangereux connus à ce jour. Le virus de la rage (Rhadboviridae), hébergé par plusieurs
espèces de chauves-souris insectivores, tue chaque année près de 60 000 personnes à travers
le monde. Les coronavirus SARS-CoV-1, MERS-CoV et SARS-CoV-2 (Coronaviridae), transmis par
des chauves-souris insectivores du genre Rhinolophe, ont été responsables d’épidémies de
pneumonie à l’échelle mondiale. Les virus Hendra et Nipah (Paramyxoviridae), nichés au sein
de chauves-souris frugivores géantes, causent régulièrement des épidémies d’encéphalite
mortelle en Asie et Océanie. Enfin, les virus Ebola et Marburg (Filoviridae), ayant pour réservoir
des chauves-souris frugivores, provoquent depuis 50 ans des flambées épidémiques de fièvre
hémorragique à travers le continent africain. Même si une transmission directe à partir des
chauves-souris est fortement suspectée, la contamination de l’Homme met généralement en
jeu des espèces animales intermédiaires, sensibles ou asymptomatiques, qui jouent le rôle
d’amplificateur ou de simple relais.
Ainsi, les chauves-souris sont considérées aujourd’hui comme des réservoirs particulièrement
prolifiques de virus et des sources inépuisables de maladies et d’épidémies. Une telle
prédisposition s’appuierait sur des caractéristiques génétiques, physiologiques et
immunologiques exceptionnelles. Ainsi, innombrables espèces et grande diversité génétique
(les chauves-souris représentent 20 % des mammifères), longévité, léthargie, vie grégaire au
sein de communautés pouvant atteindre des milliers d’individus, métabolisme constamment
élevé, défenses immunitaires innées hyperactives et infaillibles sont les principaux éléments de
cet arsenal "bioécologique" leur permettant d’être fréquemment infectées, sur de longues
périodes, et de maintenir la réplication virale à des niveaux suffisamment bas pour neutraliser
la pathogénicité des virus. Le franchissement de la barrière d’espèce et la contamination de
l’Homme seraient favorisés par la fragmentation de l’habitat de ces animaux, engendrée par
des activités humaines incontrôlées et toujours plus intenses.
Dans ce contexte, l’abattage de ces animaux, aussi minime soit-il, s’avèrerait inefficace voire
préjudiciable car il irait à l’encontre du fonctionnement de notre biosphère. La prévention des
épidémies doit donc s’appuyer sur une approche d’écologie de la santé qui préconise une
action globale, concertée et multidisciplinaire intégrant santé humaine, animale et des
écosystèmes. Les stratégies devront donc se focaliser sur la gestion harmonieuse des facteurs
de perturbation de l’écosystème (agriculture intensive, exploitation forestière et urbanisation),
les modifications des habitudes alimentaires, la mise en œuvre de programmes de
sensibilisation à l’égard des risques infectieux, et le renforcement des recherches sur le virome
et le système immunitaire de ces animaux qui ne cessent de fasciner.
« SALIVE CHEZ L’HOMME ET L’ANIMAL »
Martine BONNAURE-MALLET, Docteur en chirurgie dentaire - PU-PH-UFR Odontologie - Unité
NuMeCAn Inserm 1241 – Université Rennes 1, membre de l’Académie nationale de Chirurgie
dentaire
La salive est sécrétée par les glandes salivaires principales et accessoires. Elle
charrie de nombreux éléments et particules d’origine endogène (cellules
épithéliales desquamées, leucocytes, micro-organismes...) et exogène (débris
alimentaires, micro-organismes...). La salive et le fluide gingival qui sourd dans
l’espace dento-gingival ont de nombreuses fonctions, lesquelles restent assez
identiques chez les différentes espèces animales, alors que les quantités sécrétées ne le sont
pas (0,5 à 1 l /24h chez l’homme versus 60 l/24h chez le bovidé). Le débit et la composition du
fluide buccal (ie : salive et fluide gingival) sont très variables en fonction de différents
paramètres et/ou stimuli. Cependant, les microorganismes résidents qui vivent dans le fluide
buccal, coexistent dans une relation symbiotique (eubiose). Le fluide buccal qui concentre
environ 108 bactéries /ml joue un rôle dans l’adhérence bactérienne, mais a aussi un effet
antimicrobien. Les perturbations du milieu buccal peuvent avoir des conséquences néfastes
sur la composition du microbiote responsables de dysbiose. Bien qu’encore peu exploré, le
résistome buccal montre que le fluide buccal concentre des gènes de résistance aux
antibiotiques et que ceux-ci sont aussi présents dans la salive des animaux domestiques, et se
retrouveraient sur les brosses à dents et dans l’environnement.Programme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 7 sur 9
« L'ANTHROPISATION ET LES MALADIES A TIQUES : L'EXEMPLE DE LA BORRELIOSE DE LYME » Nathalie BOULANGER, Directrice de recherche sur les tiques et maladies à tiques, Université de Strasbourg et Centre National de Référence Borrelia.
Les tiques sont en expansion dans de nombreux environnements suite à des
modifications écosystémiques et socio-économiques majeures. Dans les zones
tempérées de l’hémisphère Nord, ce sont surtout les tiques du complexe Ixodes
ricinus qui impactent la santé humaine en tant que vecteur notamment de la
borréliose de Lyme, première maladie vectorielle de cette zone géographique. Cette maladie
est avant tout une zoonose où la bactérie Borrelia burgdorferi sensu lato, persiste
principalement dans des réservoirs comme les rongeurs ou les oiseaux. Les cervidés, quant à
eux, sont des hôtes essentiels pour le maintien des populations de tique Ixodes. L’homme, hôte
accidentel pour cette tique strictement hématophage, est de plus en plus confronté à ses
piqûres. La modification d’un certain nombre de pratiques humaines comme la chasse, la
sylviculture et l’agriculture a fortement impacté les écosystèmes forestiers où évolue la tique,
favorisant leur prolifération. La borréliose de Lyme a donc ré-émergé lentement depuis la fin
du XXème siècle. Par une approche multidisciplinaire, une analyse fine des facteurs
anthropiques qui affectent la vie de la tique et les agents pathogènes associés, devrait nous
aider à définir et à établir une biodiversité où une co-habitation avec les tiques est possible.
« LES MICROBES, MARQUEURS DE LA SANTE DES OCEANS » Chris BOWLER, Collège de France-coordinateur scientifique TARA océan, Directeur de recherche CNRS, membre de l’Académie d’agriculture de France
Dans le cadre du projet Tara Oceans, une équipe de chercheurs, internationale
et multidisciplinaire, a cartographié la biodiversité d’un large éventail
d’organismes planctoniques marins, exploré leurs interactions, ainsi que la façon
dont ils agissent sur leur environnement et sont affectés par différentes variables,
en particulier le changement climatique. Issues d’une partie des 35 000 échantillons collectés
dans les océans de la planète durant l’expédition Tara Oceans (2009-2013), ces données
constituent des ressources sans précédent pour la communauté scientifique, dont un
catalogue de plusieurs millions de nouveaux gènes issus des organismes microscopiques, qui
vont transformer la façon dont on étudie les océans et dont on évalue le changement
climatique et l’impact de l’homme au sein des océans.
« LA FILIERE D'ASSAINISSEMENT, QUEL ROLE DANS LA LUTTE CONTRE L'ANTIBIORESISTANCE ? » Charlotte ARNAL, PhD virologie moléculaire, expert en microbiologie environnementale, Véolia, Département des Expertises scientifiques & technologiques
Le périmètre de la présentation concerne les eaux usées municipales et
industrielles, le traitement d’assainissement et hygiénisation des boues et
l’épandage des résidus solides (lisiers, boues et fumiers). Les sources d'émissions
de bactéries ou gènes de résistance aux antimicrobiens sont liées aux activités
humaines qui se situent en amont des réseaux de collecte des eaux usées et
pluviales (rejets urbains, rejets hospitaliers, rejets industriels, élevages).
o Ces effluents sont des réservoirs de bactéries antibiorésistantes du fait de la présence
d’agents antimicrobiens résiduels, de bactéries pathogènes ou non, de gènes de résistance
aux antibiotiques et de conditions favorables à leur survie.
o Les stations d’épuration d’eaux usées, conçues notamment pour éliminer la charge orga-
nique avant rejet dans l’environnement, permettent néanmoins d’éliminer partiellement les
bactéries et gènes de résistance : 1,5 à 2,5 log d'abattement des bactéries fécales E. Coli
et entérocoques résistants. En termes de procédés unitaires de traitement, le rôle de “hot
spot'' du traitement biologique dans la dissémination de l'antibiorésistance, fait encore dé-
bat.
o Les agents AMR peuvent aussi être transférés dans les boues d’épuration (urbaines ou in-
dustrielles), principal sous-produit d’une station d'épuration. Le compostage et la digestion
anaérobie thermophile sont des procédés performants pour réduire significativementProgramme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 8 sur 9
l'abondance des gènes AMR à hauteur de 84 et 98 % respectivement. Ainsi, même s'il est
aujourd'hui difficile de conclure sur les efficacités des traitements des eaux usées en fonc-
tion de la typologie des procédés en place, une meilleure élimination est possible via la
mise en œuvre de traitements tertiaires performants : filtration, procédés de désinfection
(UV ou ozonation), ...
o Il n’y a pas de réglementation spécifique ni de méthodes d'analyses normalisées pour la
recherche des bactéries et des gènes de résistance aux antimicrobiens.
o En conclusion, pour avancer sur le sujet, il nous semble nécessaire de :
• réduire autant que se peut, à la source, le flux de produits pharmaceutiques, de bio-
cides et désinfectants, afin de limiter la charge entrante sur les stations STEP ;
• mieux évaluer le rôle des stations d’épuration dans la dissémination de l’antibiorésis-
tance dans l’environnement, via des travaux de recherche,
• promouvoir des filières de traitements plus performantes vis-à-vis des produits pharma-
ceutiques et des bactéries, via notamment des traitements tertiaires additionnels,
16h30-17h Discussion générale
17h-17h15 Conclusion par André JESTIN, Président de l’Académie Vétérinaire de
France, Vice-président de la FEAMProgramme séance du 15 juin 2022 2022-05-25 VFp Page 9 sur 9
COMITÉ SCIENTIFIQUE
ACADEMIE D’AGRICULTURE DE FRANCE
Jean-Louis BERNARD
Arlette LAVAL
René LESEL
ACADEMIE NATIONALE DE CHIRURGIE
Hubert JOHANET
Albert-Claude BENHAMOU
ACADEMIE NATIONALE DE CHIRURGIE DENTAIRE
Philippe CASAMAJOR
Michel POMPIGNOLI
ACADEMIE NATIONALE DE MEDECINE
François BRICAIRE
Yves BUISSON
Anne-Claude CREMIEUX
Vincent JARLIER
ACADEMIE DES SCIENCES
Pascale COSSART
Gérard ORTH
Philippe SANSONETTI
ACADEMIE VETERINAIRE DE FRANCE
Jean-Pierre JEGOU
Alain PHILIPPON
André JESTIN
ACADEMIE NATIONALE DE PHARMACIE
Agnès ARTIGES
Jean-Christophe GIARD
Liliane GRANGEOT-KEROS