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La mission du COVARS : comment anticiper les risques sanitaires dans une vision « Une seule Santé » de l’exposome

Aujourd’hui, nul ne peut occulter la multiplicité des risques pour la santé humaine. La veille et l’anticipation des risques sanitaires nécessitent d’être considérées dans le cadre d’expositions multiples sous le prisme de l’approche dite «Une seule Santé» ou «One Health» [

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En effet, les menaces, dont la majorité ne connaît pas de frontières, sont non seulement infectieuses mais aussi liées à divers polluants chimiques et physiques et autres facteurs environnementaux, tels que le réchauffement climatique et la perte de biodiversité. L’origine zoonotique de la plupart des risques infectieux émergents et l’impact de cet «exposome» sur les écosystèmes que constituent les humains, les animaux, les végétaux et autres organismes ne font que souligner cette interdépendance. Ces risques engendrant des coûts humains, sociétaux et économiques considérables nécessitent une anticipation, une prévention et une préparation permanentes. Les activités de surveillance et de veille sanitaire tant en santé humaine qu’animale sont placées sous la responsabilité d’organismes nationaux et supra-nationaux. Une veille scientifique élargie doit impérativement la compléter afin d’identifier les déterminants des émergences et en caractériser les mécanismes physiopathologiques et les conséquences pour la santé.

Anticiper ces risques s’avère fondamental pour en prévenir ou en limiter les impacts, et, dans tous les cas, pour préparer efficacement la société. Tirant les leçons de la pandémie de Covid-19, le gouvernement français a créé le Comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires (COVARS), consultatif, pérenne et indépendant, placé auprès des Ministres de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la santé et de la prévention [2]. Son large périmètre de missions, s’inscrivant résolument dans le contexte «Une seule santé» [3] à l’aune des multiples risques sanitaires auxquels sont confrontés la France et le monde impose une vision large, multidisciplinaire, reflétée par la composition du COVARS: épidémiologistes des maladies infectieuses, des pollutions, éco-épidémiologistes, cliniciens infectiologues ou de premier recours, microbiologistes humains et vétérinaires, entomologistes, écologues, immunologistes spécialistes de vaccins, spécialistes en sciences humaines et sociales, ainsi que plusieurs représentants de la démocratie sanitaire.

Quels risques sanitaires prendre en considération? Ceux-ci dépendent du potentiel de nuisance du danger, de l’exposition et de la vulnérabilité de la population, de la capacité de la société à mettre en œuvre une réponse efficace et acceptable, et de la conjonction de facteurs - souvent mal connus - susceptibles d’influencer l’occurrence et le niveau de menace. Pour les analyser, le COVARS travaille en lien étroit avec les organismes chargés de la veille sanitaire et environnementale et les organismes de recherche. Le Comité a rapidement rendu des avis sur la Covid-19, l’épidémie de mPox (variole du singe), les maladies à transmission vectorielle, au premier plan desquelles la dengue et l’infection par le virus West-Nile, ou encore sur les risques pandémiques d’origine zoonotique, comme la grippe aviaire [4].

L’anticipation des risques se décompose, pour le COVARS, en plusieurs séquences dans lesquelles rigueur scientifique, innovation et recherche doivent être omniprésentes afin de fournir aux décideurs publics des bases robustes sur lesquelles fonder les futures politiques publiques de surveillance, d’alerte et de préparation:

–Une analyse prospective réalisée à partir des données nationales et internationales de veille sanitaire et environnementale et des données scientifiques disponibles. Ainsi le COVARS, répondant à une saisine gouvernementale, a analysé les principaux risques infectieux et environnementaux susceptibles d’induire des situations sanitaires exceptionnelles majeures en France métropolitaine et ultramarine dans les cinq prochaines années [4]. L’analyse de risques a porté sur 35maladies infectieuses et sur les facteurs environnementaux (climat, perte de biodiversité et pollutions). Le message innovant en est la nécessité d’intégrer à tous les niveaux de la veille et de la préparation, risques infectieux et environnementaux, tant ces derniers influent sur les risques d’occurrence, sur la sévérité des risques infectieux et sur la vulnérabilité des populations.

– Un continuum veille –surveillance– recherche, visant à renforcer, mieux organiser et interconnecter l’évaluation et la surveillance des dangers pouvant affecter l’homme et ses écosystèmes, dans une approche «Une seule santé», et selon des méthodes analytiques les plus modernes et validées. Cette surveillance nécessite une interface étroite avec la recherche scientifique et l’innovation technologique dans de nombreuses disciplines afin de combler les manques de connaissance, développer des outils de diagnostic et de surveillance performants et interconnectés, et définir au mieux de possibles seuils de risque.

– La prévention et la préparation de la réponse: le COVARS recommande une vision holistique impliquant, au-delà de l’établissement de stocks (équipements de sécurité et de prévention, médicaments et vaccins adaptés et validés), une forte dimension d’innovation et de recherche. Tous les aspects de la recherche doivent y être intégrés, depuis une recherche fondamentale totalement générique jusqu’à une recherche très ciblée. Ainsi les succès des vaccins à ARN-messagers (ARNm) anti-Covid-19 n’auraient pas été possibles sans les 50 années de recherche fondamentale sur les ARNm et sur les caractéristiques des Coronavirus. À une étape plus translationnelle, ces recherches doivent inclure des études épidémiologiques rigoureuses sur de grandes cohortes humaines et animales, mais aussi des études utilisant les approches modernes d’analyse d’acides nucléiques «environnementaux» ou dans les eaux usées, l’interconnexion de ces différentes sources de données et la vision d’exposition multiple permettant d’accroître la production de connaissances. Les études des relations «hôte-pathogène» par classe de pathogènes les plus à risques sont un prélude nécessaire au développement de vaccins et de médicaments anti-infectieux adaptés et à l’identification de groupes de personnes à risque. Le soutien au développement d’innovations thérapeutiques ou préventives est clé pour réduire l’impact des crises sanitaires. Ainsi le COVARS, répondant à une saisine gouvernementale sur le futur des vaccins à ARNm, a insisté sur l’immense retard français et la nécessité absolue d’implanter fortement en France ce nouvel écosystème technologique et de recherche aux nombreuses applications préventives et thérapeutiques. De même, cette préparation doit soutenir le développement de thérapies innovantes, telles que les anticorps monoclonaux, pour lesquels le savoir-faire existe en France mais dont le développement n’a pu être mobilisé assez rapidement lors de la pandémie de Covid-19.

–Une réponse rapide grâce à une simplification de la recherche: La complexité administrative de la recherche médicale française est un frein majeur à la capacité du pays à répondre aussi rapidement que nombre de nos voisins. Face à des maladies émergentes dont la sévérité varie selon les facteurs de risque, une recherche clinique ambulatoire doit pouvoir être réalisée de façon aussi rigoureuse que dans les centres hospitalo-universitaires. Le développement anticipé de protocoles cliniques mock-up facilement adaptables doit également permettre de tester rapidement des thérapies adaptées.

–La préparation et la participation de la société: les plus belles innovations vaccinales, thérapeutiques, voire numériques, resteront lettre morte sans une appropriation par la société. Cela nécessite une meilleure compréhension des relations science-société en évaluant l’acceptabilité de ces innovations et l’appropriation par la société d’informations solides et rigoureuses afin d’améliorer la littératie en santé. Il faut expliquer la nécessité de l’interconnexion et du partage de données, la stratégie du «tester, tracer, isoler», les campagnes de vaccination de masse ou de prévention des maladies transmises par les insectes. Ces recherches, indispensables aux futures décisions éclairées de politiques publiques, doivent impliquer les communautés, en étant notamment participatives, et être conçues aux niveaux territorial et national tant la réponse des populations peut ne pas être univoque. L’éducation aux risques sanitaires et à leur prévention, à la rigueur et à la compréhension de la démarche scientifique doit impliquer, outre les populations, les décideurs eux-mêmes et est un élément clé de l’anticipation à long terme de ces risques.

–Une dimension internationale de l’anticipation des risques sanitaires: toutes ces étapes de veille et d’anticipation doivent être conçues en lien avec l’Europe et l’international. Cette dimension est nécessaire à la définition de critères communs d’alerte et pour soutenir financièrement les efforts indispensables de recherche et développement qui doivent être conçus comme des investissements pour l’avenir et non comme des dépenses hasardeuses. Les capacités des agences nationales de veille sanitaire à intégrer les signaux d’alerte venant de l’étranger doivent être renforcées. L’agence européenne HERA*, créée lors de la pandémie de Covid-19 devrait voir ses missions élargies. Enfin, il est indispensable que des accords internationaux établissent de véritables programmes équitables et solidaires de préparation aux pandémies.

En conclusion, l’anticipation des risques sanitaires repose sur le concept «Une seule santé» et doit intégrer risques infectieux et environnementaux depuis la veille sanitaire et scientifique jusqu’aux étapes de prospective et de préparation. La dimension de recherche est un élément clé de l’anticipation et de la préparation et doit être multi-disciplinaire. Elle doit être facilitée en temps de crise, tout en préservant une démarche scientifique rigoureuse et éthique, et inclure les sciences humaines et sociales pour une meilleure compréhension de ces risques et l’acceptation des innovations et des mesures de prévention par la société. L’anticipation des risques suppose pour ce faire d’établir des collaborations fonctionnelles étroites entre les parties prenantes des santés humaine, animale, végétale et des écosystèmes.