Dans l'attente de la fermeture définitive de certains de ces établissements, ces animaux doivent être empêchés de se reproduire et envoyés dans d'autres structures, en Europe ou dans un Pays Tiers, habilitées à les détenir, ou encore des « sanctuaires », qui sont en majorité des enclos en mer, gérés par l’homme.
Les conséquences de cette décision légale soulèvent plusieurs questions éthiques. Il apparaît que le cas des dauphins (Tursiops truncatus, M.1821) doit être dissocié de celui des orques (Orcinus orca,L.1758).
Le confinement proposé aux orques ne leur permet pas une activité locomotrice optimale. Ce non respect de l'une des 5 libertés (« Five Freedoms ») impacte le bien-être des individus (McGillian,2023) mais il est, en partie, atténué par les nombreuses activités médiées par les humains auxquelles ils participent. Ces activités permettent d'étudier non seulement les capacités d'évolution de cette espèce, mais aussi leurs capacités cognitives. La réalisation de ces performances n’est possible qu'à la suite d'entraînements en conditionnement opérant à renforcement positif, réalisés quotidiennement dans une relation étroite avec les soigneurs. Ce travail est essentiel pour maintenir un bien-être des animaux en dépit d'un fort confinement. Aucune étude n’indique que la transition vers un mode de vie qui diminue la fréquence des relation inter-spécifiques homme/orque soit bénéfique pour le bien-être des individus concernés.
Le transfert des orques vers des « sanctuaires » ne peut être envisagé de manière éthique que si plusieurs conditions sont remplies (Simon et al, 2009). Les orques vivent en milieu naturel en groupes sociaux à structure matriarcale. Leur dispersion ne peut donc être effectuée que si le groupe garde son intégrité. De plus l'intégration d'un groupe social constitué dans une population requiert un suivi permanent sans aucune garantie de succès malgré des protocoles divers(cf cas des primates non humains,des chiens,.) Ce suivi doit être effectué par des personnes compétentes, et dans des structures adaptées (Bruck 2024).Malgré les deux décès récents dont les origines ont été bien établies (septicémie bactérienne et péritonite par corps étranger),sans une certitude que ces conditions puissent être remplies dans les institutions de destination, il est éthique de surseoir au déplacement de ces groupes.
La fermeture des établissements hébergeant des dauphins, impliqués également dans des spectacles, soulève non seulement certaines des questions d’ordre éthique évoquées pour les orques, mais aussi d'autres problématiques. Le confinement des dauphins présente un caractère moins sévère que celui des orques, leur vie sociale peut être mieux respectée avec néanmoins tous les problèmes inhérents aux interactions intraspécifiques.Au vu des publications scientifiques parues ces 20 dernières années, les groupes sociaux maintenus en captivité ont permis d'acquérir un considérable corpus de connaissances sur la communication et les capacités cognitives de ces animaux (Eskelinen et al, 2019). Ce type de recherches requiert des expérimentations qui ne peuvent être menées que sur des individus maintenus en captivité. Ces recherches impliquent de plus des contacts fréquents avec les humains qui constituent un élément primordial du budget-temps des dauphins et donc de leur bien-être.
Cette décision inclut aussi la prévention de la reproduction des dauphins. Au-delà d'un appauvrissement de la dynamique sociale des groupes, elle doit questionner sur l'innocuité des différentes méthodes de contraception vis-à-vis de la santé, à court, moyen et long terme, de ces individus. La séparation des mâles et des femelles reste la méthode la plus simple mais impacte immédiatement la diversité des interactions intraspécifiques et le bien-être de ces animaux dont le type social est bien le groupe reproducteur multimâle - multifemelles. Chez les mammifères marins, l’usage prolongé de progestatifs de synthèse ou des agonistes de la GnRH (desloréline) augmente les risques liés aux effets secondaires endocrinologiques ou à la manipulation (Dold, 2015). Si cette innocuité ne peut pas être documentée scientifiquement, on ne peut donc exclure une atteinte au bien-être médical des dauphins.
Tous les éléments rapportés ci-dessus, fondés sur des connaissances scientifiques, montrent que les décisions de fermeture d’établissements tels que celui du Marineland d’Antibes et de transfert des orques individuellement vers d'autres structures, notamment à l'étranger, portées par des opinions,
appliquées de manière insuffisamment réfléchie, iraient à l'encontre du but de la loi qui est de préserver et/ou d'augmenter le bien-être des animaux. En conséquence, dans le cadre d’une démarche éthique et en responsabilité, dans l'esprit de la loi, le mieux serait de maintenir ces orques dans leur structure en continuant à l’améliorer. Ils peuvent y bénéficier de soins permanents et d'interactions avec les humains qui permettent l’expression des capacités cognitives particulièrement développées de ces animaux , jusqu’à ce que les conditions de transport, la garantie de leur bien-être social et la qualité des structures d’accueil aient pu être correctement validées par des experts.
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
- Bruck, J. 2024. The Cetacean Sanctuary: A Sea of Unknowns. Animals, 14, 335
doi.org/10.3390/ani14020335
- Dold C. Cetacea (Whales, Delphins, Porpoises). In Zoo and Wild Animal Medicine. Miller R.,Fowler M. Editors. 2015, Saint-Louis, Elsevier: 422-486.
- Eskelinen H.C., Richardson J.L., Winship K.A. Learning about Dolphins: An Era of Discovery in Managed Care. In: Kaufman AB, Bashaw MJ, Maple TL, eds. Scientific Foundations of Zoos and Aquariums: Their Role in Conservation and Research. Cambridge: Cambridge University Press;
2019:511-542. doi:10.1017/9781108183147.02
- Mc Gilian, D. 2023. Orca reproduction in captivity: a review of the sciences, ethics and welfare concerns. Ann Mar Sci 7(1) : 014-016. dx.doi.org/10.17352/ams.000032
- Simon, M., Hanson, M.B., Murrey, L., Tougaard, J. and Ugarte, F. (2009), From captivity to the wild and back: An attempt to release Keiko the killer whale. Marine Mammal Science, 25: 693-705.
doi.org/10.1111/j.1748-7692.2009.00287.x